Ce mois, votre journal s’est penché sur une pathologie dont le taux de prévalence au fil des ans évolue de façon inquiétante : le cancer du sein et du col de l’utérus. Au cours de mois de mars considéré comme le mois de la femme, une campagne de dépistage de ces deux cancers a été organisée par les cliniques universitaires des Montagnes, du 6 au 17 mars, dans les localités de Tonga, Bazou, Ndikiminiki, Makénéné, Bangoua, Bassamba, Bangangté sous la conduite du Dr TCHOUKOUA Serges. A la fin de cette campagne, voici pour vous lecteurs, un entretien sur la pathologie avec le Professeur Marlène ESSONDO, enseignante à l’UDM et spécialiste en anatomie et cytologie pathologiques.
Echos du Ndé : Salut Madame, présentez-vous aux lecteurs du journal Echos du Ndé.
Professeur ESSONDO : je suis Marlène ESSONDO LOHNE, Enseignante à l’UDM après avoir été au CUSS pendant plusieurs années. Je suis spécialiste en anatomie et cytologie pathologique.
Echos du Ndé : Une campagne de dépistage du cancer du col de l’utérus et du sein vient d’être organisée à l’UDM. Qu’est-ce que c’est que le cancer du col de l’utérus?
Professeur ESSONDO: Le cancer du col de l’utérus est une maladie malheureusement grave. L’utérus est cet organe qui permet aux femmes de porter leurs grossesses, d’avoir un bébé et le col de l’utérus c’est cette partie qui se situe au niveau du vagin. Cette partie qui est cachée et pour laquelle on n’a pas d’accès visuel est très sensible (surtout dans nos zones) à une transformation que l’on appelle la maladie cancéreuse, c’est-à-dire que des influences variées en particulier des infections répétées ainsi que le papyloma virus jouent un rôle essentiel dans le déterminisme de cette infection. C’est donc une maladie qui se traduit par l’apparition des cellules qui sont anormales et qui ont la faculté de se multiplier très très vite et de s’étaler sur le col de l’utérus, le détruire progressivement ainsi que les organes voisins. Le cancer de l’utérus va atteindre le rectum et se disséminer beaucoup plus loin.
Echos du Ndé : Professeur, parlez-nous du déroulement de cette campagne.
Professeur ESSONDO: Cette campagne n’a pas durée aussi longtemps que ce qu’on a organisé l’année dernière. Celle-ci a duré deux semaines pendant lesquelles nous avons fait le tour de plusieurs localités. Comme tous les cancers, il faut le diagnostiquer le plus tôt possible. Le cancer du col de l’utérus est comme une obsession sinon par ailleurs ce cancer partage avec le cancer du sein les deux premières places au Cameroun. Ces deux cancers, sont les plus meurtriers chez la femme camerounaise. C’est pourquoi il faut vite diagnostiquer ces lésions précancéreuses qui ne sont pas encore des cancers. Plus on arrive tôt, plus on a la chance de sauver notre malade. Les seuls moyens de pouvoir sauver les femmes c’est de dépister les lésions dites précancéreuses. Une fois encore, le seul moyen c’est le diagnostic précoce avec des examens cytologiques ou certains examens qui sont possibles comme l’inspection visuelle. Et là on peut soigner la maladie, la guérir. Le frottis est pratiquement indolore, facile à faire et permet de voir des cellules anormales et de les éliminer le plus tôt que possible
Echos du Ndé : Etes vous satisfaite quant à la mobilisation des femmes?
Professeur ESSONDO : satisfaite ! Disons que nous sommes en progrès, la fois dernière nous étions dans une campagne qui a duré un mois et demi et nous avons mobilisé presque le même nombre de femmes que celle qui a duré 2 semaines. Ce qui m’a fait plaisir c’est que les femmes commencent à prendre conscience de cette maladie et de son traitement. Je pense que nous allons relancer encore avec les CUM de l’Udm une autre campagne en 2018 et communiquer avec votre aide. En utilisant les média comme radio medumba, votre journal échos du Ndé et autres médias, nous informons un grand nombre de population sur la tenue de la campagne.
Echos du Ndé : Professeur, quelles peuvent être les causes du cancer ?
Professeur ESSONDO : on ne peut pas dire les causes réelles du cancer. Pour ce cas précis du col de l’utérus, il y a le virus qu’on appelle papillonna que l’on retrouve fréquemment associé au cancer. Dans le monde actuellement l’infection à papillonna est tellement florissante qu’on propose même de vacciner les jeunes et les adolescentes avant qu’elles n’aient leurs premiers rapports sexuels. Par cela il sera possible de voir dans quelques années décroître considérablement le cancer. Ce sera aussi le cas pour quelques rares cancers comme celui du foie lié au virus de l’hépatite, B, surtout C, voire D. l’action du virus fait apparaître le cancer. Mais est-ce le seul facteur? C’est difficile à dire. Il ya des femmes qui font des infections par le papillonna virus et qui n’ont pas de cancer. Il y a des facteurs que nous ne maîtrisons pas tout à fait, mais le rôle de ce virus est indéniable.
Echos du Ndé : Professeur, quel est le taux de prévalence de cette pathologie ?
Professeur ESSONDO : Vous allez demander pourquoi un tel acharnement pour le cancer du col de l’utérus, c’est parce que c’est l’une des pathologies les plus meurtrières, sinon la plus meurtrière. C’est désormais un scandale de voir une femme mourir de ce cancer en 2017. Scandale pour le corps médical parce qu’on n’a pas dépisté à temps, mais aussi pour la femme parce qu’elle ne s’est pas fait dépister à temps. Le taux de prévalence n’est pas si élevé mais mieux vaut se faire dépister régulièrement, cela met les femmes à l’abri.
Echos du Ndé : Parlons maintenant du cancer du sein. Est-ce une pathologie exclusivement féminine ?
Professeur ESSONDO: Non, mais malheureusement ca intéresse plus les femmes, leurs seins sont plus volumineux que ceux des hommes. Les hommes peuvent avoir le cancer du sein, il est plus dramatique chez eux pour la simple raison que les seins de l’homme sont moins volumineux, et le cancer va très rapidement attaquer les parois thoraciques. Chez l’homme comme chez la femme, si on ressent de petites boules dans le sein, en cas d’apparition des lésions sous forme d’eczéma sur le mamelon ou l’apparition de liquide clair qui n’est pas du lait, ce sont les signes d’appel d’un cancer, il faut consulter son médecin. Il en est de même si on observe une plaie au niveau du sein, si ça fait mal, alors, c’est catastrophique.
Echos du Ndé : Qu’en est-il du traitement du cancer du col de l’utérus et du sein
Professeur ESSONDO : Nous faisons le dépistage avec pour objectif de soigner donc de guérir. On peut traiter le cancer et en particulier le cancer du sein et du col de l’utérus. On ne peut plus accepter qu’une femme meure du cancer du col de l’utérus. Au niveau des CUM à Douala et à Yaoundé, nous essayons de former une équipe pour lutter contre le cancer.
Echos du Ndé : On peut déterminer le cancer du sein par palpage, qu’en est-il de celui de l’utérus ?
Professeur ESSONDO : Le diagnostic du cancer du sein est beaucoup plus difficile. Nous avons introduit pendant cette campagne un diagnostic clinique du cancer de sein. La palpation du sein n’est pas le meilleur moyen de dépister un cancer de sein. Nous n’avons heureusement pas détecté des cas de cancer de sein pendant notre campagne. Il faut faire une mammographie systématique. C’est l’examen radiologique qui est le plus intéressant. Pour ce qui est du col de l’utérus, le signe habituel dans le cas du cancer précoce ce sont des petits saignements en dehors des menstrues.
Echos du Ndé : Avez-vous trouvé des cas pendant la campagne. Si oui quelle sera la suite?
Professeur ESSONDO : Oui, on a vu des cas biopsié. Nous n’avons pas encore lu toutes les lames. Ce que j’ai comme tâche personnelle, c’est de convaincre beaucoup de nos jeunes frères de devenir anatomopahologistes. Je pense qu’au prochain congrès de gynécologie on va parler beaucoup de ce cancer de façon à renforcer nos stratégies communes.
Echos du Ndé : Quels conseils donner aux femmes qui vivent dans des localités distantes des formations sanitaires ?
Professeur ESSONDO : C’est un peu difficile. Notre voeu est de voir les femmes développer la culture du frottis cervical du col de l’utérus au moins une fois par an. Notre préoccupation, nous les médecins, c’est d’aller vers elles même dans les coins les plus retirés car elles méritent de vivre, d’être traitées. C’est d’ailleurs pour cela que nous sommes allés dans de petits villages pour la consultation.
Echos du Ndé : De l’espoir pour les malades du cancer ?
Professeur ESSONDO : Et bien oui. Pourquoi pas ? Tant qu’on a la vie, on a de l’espoir. Plus on arrive tôt dans le diagnostic, plus on soigne. C’est le cas de toutes les maladies. Il ne faut pas faire la politique de l’autruche. Au moins une fois par mois, les femmes pendant leur toilette, doivent palper leur sein. S’agissant du cancer du col de l’utérus, on le guéri facilement lorsque c’est dépisté tôt. Si on arrive un peu plus tard, on enlève le col de l’utérus, il faut faire des interventions beaucoup plus lourde et on n’est même pas sur de guérir la patiente
Echos du Ndé : Un dernier mot?
Professeur ESSONDO : Nous parlons d’une pathologie qui est le cancer, mais sujette à plusieurs types selon les organes et selon les tissus. Quelque soit le stade de cancer, battons-nous. Actuellement, le cancer se guérit mais il faut surtout se faire dépister et le plus tôt possible.
Merci Professeur
Dans le prochain numéro, présentation de la prostate avec le Docteur TCHOUKOUA
Entretien réalisé par Camille Njo