Le plus vieil homme du village Bazou âgé de 147 ans brise le silence

Il s’est éteint il y a quelques mois, dans son village natal à Nzedip dans le groupement Bazou

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       Selon des sources concordantes au sein de la famille du défunt, Aron Kegnikeu dit Tafeu Toudjeu al'homme le plus agee de Bazouurait commencé sa carrière de grimpeur de palmiers à l’âge de 10 ans, où il a rassemblé des palmistes des chaînes montagneuses et a appris à connaitre leur puissance en matière de longévité. Pendant près de 40 ans, il a survécu grâce à un régime d’herbes telles que le Tchoutuon (roi des herbes), la baie de goji, le ginseng sauvage, kola ainsi que le vin de palme. En 1940, à l’âge de 71 ans, il rejoint les armées de la défense Bazou dans la conquête du territoire en tant que combattant.
Aron a dit être un personnage bien-aimé de sa communauté, qui s’est marié trois fois et a engendré plus de 113 enfants, les petits et arrières petits fils confondus.
Selon les récits généralement reconnus et racontés dans sa ville natale, Aron a été en mesure de lire et d’écrire quand il était encore un enfant en bas âge, et à l’occasion de son dixième anniversaire il a voyagé aussi bien à l’ouest qu’au Cameroun pour vendre des noix de palme. Pendant ses cent premières années, il a poursuivi les recherches de sa profession. Puis il est passé à la vente d’herbes recueillies par d’autres personnes.                                          Il n’était pas le seul
Selon l’un des disciples d’Aron rencontré dans son Nze Ndip natal, il avait une fois rencontré un individu vieux de plus de 175ans, l’homme, qui lui a enseigné
les exercices hygiéniques et qui lui a recommandé une diététique et un régime particulier qui l’aideraient à prolonger son espérance de vie pour passer outre
les limitations humaines. En dehors de ginseng sauvage et d’un régime d’herbes riches, que pouvons nous apprendre de ce maître de la longévité? Aron a dit « j’ai fait tout ce que je devais faire dans ce monde. » Se pourrait-il que ses dernières paroles pacifiques fassent allusion aussi à l’un des plus grands secrets pour une vie longue et prospère? Il est intéressant de noter
qu’en Occident, nous avons souvent appris à croire que le vieillissement est quelque chose qui doit être « combattu » avec des dispositifs et appareils technologiques.                                                                                        Son secret pour une longue vie:                                                                    Il a été demandé quel était son secret pour sa longévité. Voici sa réponse: « Restez calmes dans votre cœur, asseyez vous comme une tortue, marchez comme un pigeon et dormez comme un chien. » Voici les conseils qu’Aron a donnés au reporter de « Échos du Ndé », qui est allé le voir pour connaître tous ses secrets en novembre 2015 à l’occasion de l’intronisation du nouveau chef de son village. Il avait saisi cette opportunité pour accorder une interview aux chaînes de télévision Dbs et Canal 2 international et Équinoxe télévision.
Aron maintient qu’une vie intérieure paisible combiné à des techniques de respirations était les secrets pour une longévité incroyable. Évidemment, son régime alimentaire a joué un rôle important. Mais c’est fascinant de voir qu’une vieille personne a pu vivre aussi longtemps sans ne jamais perdre la tête. Pourquoi c’est si difficile à croire?
L’espérance de vie des africains à l’heure actuelle se situe entre 70 et 85 ans, donc évidemment l’idée que quelqu’un a vécu plus de 100 ans est difficile à croire. La pensée que quelqu’un puisse vivre 200 ans est extrêmement
suspicieuse. Mais pourquoi ne croyons nous pas que les gens peuvent vivre aussi longtemps que ça ?
Nous nous conditionnons mentalement et nous nous imposons des limites nous mêmes. Notre mode de vie ne nous fera pas vivre plus de 70 ans, sans parler du stresse, des dettes, de l’air pollué des villes que nous respirons et etc. Ces gens mangent énormément de sucre et des aliments couverts de pesticides. Ils ne vivent pas la vie qui leur permettra de vivre plus de 70 ans de toute façon. Sans l’aide de la technologie ils sont cuits. Ces gens là n’ont jamais mangé des aliments qui n’étaient pas gras, ont tous connu la pâtisserie et les aliments génétiquement modifiés. Ils mangent antibiotiques
sur antibiotiques, fument et boivent. Leur unique régime alimentaire est un mélange entre boisson énergisante et Fast Food. Comment des gens qui
ont toujours vécu comme ça peuvent juger les prouesses d’un homme qu’ils ne connaissent même pas ?
Leur unique but dans la vie est de travailler pour mettre de l’argent de côté et partir en vacance. Les occidentaux n’ont aucune compassion pour les autres et ils ne pensent qu’à eux, ce qui enfreint la règle primaire d’Aron, à savoir qu’il faut avoir la paix dans nos coeurs et qu’il faut s’intéresser à la souffrance des autres. Aron n’est jamais parti en vacance et a toujours été au service des plus démunis. Imaginez un instant que vous êtes Aron, avec sa droiture, sa sagesse et sa super longévité, comment vous sentiriez-vous?
Il ne fait aucun doute que les êtres humains peuvent vivre plus longtemps qu’on l’imagine, que notre mode de vie et notre style de vie nous y en empêchent. Nous sommes donc condamnés à croire que nous vivrons
selon les standards dictés par les experts de l’occident. Mais qui sait, combien de centaines d’années nous pourrions tous vivre en réalité ?
« Mes petits-enfants sont morts il y a des années. En quelque sorte, la mort m’a oublié », s’exclamait-il. Sa majesté Tchaga Samuel, chef traditionnel du village Nzedip vivant en France, joint par téléphone, affirme qu’il est né vers 1869, il est non seulement l’homme le plus vieux du Cameroun mais aussi qu’il est l’homme qui a vécu le plus d’années à travers l’histoire humaine, selon la légende. Le roi des Bazou, sa Majesté Tchoua kemajou Vincent, Roi du peuple Bazou affirme lui aussi qu’Aron est le plus Vieil homme de son groupement, voir même de l’Afrique, car il se souvient qu’il a été établi par les anciens qu’il a connu autant de générations de Roi
Bazou. De 1903, il a vécu à Nzedip, où il a travaillé jusqu’en 1957 date du décès de son géniteur, jusqu’à sa retraite à 122 ans. « Je vis aussi longtemps que les enfants de mes petits enfants qui sont morts il y a quelques années », a déclaré Aron lors d’un entretien avec ses visiteurs. « D’une certaine façon, la mort m’a oublié. Et maintenant, nous n’avons aucun espoir. En regardant les statistiques, on ne meurt pas à plus de 150 ans et encore moins à 147 ans. A ce stade, je pense que je suis immortel ou quelque chose », avait-t-il déclaré lors de notre entretien en novembre 2015. D’après sa carte d’identité que nous avons découverte lors de notre reportage, il est né vers 1869. Son dernier fils né en 1957, nous indique que son père malgré son âge très avancé, parvenait tout de même à manger tout seul. Ici, C’est tout le peuple de cette localité qui pleure la perte de baobab qui vient de s’effacer.
Entretien avec Samuel TCHAGA, chef du village Nze Ndip                       « C’était aussi un saint homme dont les paroles et les exhortations étaient toujours édifiantes en vue de la paix et de l’entente entre les hommes » Le chef du village Nze Ndip fait ici un témoignage froid sur la vie de cet homme qui vient de nous quitter à plus de 140 ans et soutient qu’il a vu passer 5 générations des chefs Bazou.                                                                  Echos du Ndé : Sa Majesté, le village Nze Ndip et le royaume BAZOU viennent de perdre leur doyen décédé il y a quelques mois. Qui était-il réellement ?
Sa Majesté : Le patriarche Sah TOUDJEU était un personnage d’exception, capable de vous restituer avec exactitude les épisodes, les plus vieux de l’histoire du royaume et de notre village NZE DIP. C’était aussi un saint homme dont les paroles et les exhortations étaient toujours édifiantes en vue de la paix et de l’entente entre les hommes. Quand on écoutait ces sages paroles, on avait l’impression d’être dans une bibliothèque ou de lire la sainte Bible. Toujours disposé à écouter et à expliquer ce qu’on ignorait ou ne comprenait pas et tout ceci malgré son grand âge.
Echos du Ndé: En tant que chef de ce village, quel témoignage pouvez-vous faire de lui et quel souvenir gardez-vous de ce patriarche?
Sa Majesté : Je garde en mémoire la réunion familiale à l’issue de laquelle j’ai été désigné successeur de mon père. Sur recommandation de tous les notables du village, on m’a accompagné dans sa concession pour lui être présenté. A l’évocation de mon nom, il a donné le nom de ma mère et de mes frères et soeurs décédés depuis plus de 40 ans et m’a souhaité beaucoup de courage pour la succession de mon père, dont il m’a rappelé le statut et le rôle dans l’histoire et la grandeur du royaume Bazou. Il a partagé avec moi l’eau sur laquelle il avait prié et m’a serré les deux mains en guise de bénédiction. Quand je suis rentré au Lah-Kwan, il s’est fait porter jusqu’au village initiatique pour me saluer, chanter, prier pour moi et me souhaiter bon courage.
Echos du Ndé : A quel âge est-il décédé? Sa Majesté: Il devait avoir plus de 130 ans
Echos du Ndé : D’après-vous quelle était son origine ?
Sa Majesté: Le patriarche Sah TOUDJEU est originaire de Tikar où il était Chef et dont la dernière vague chercha à s’installer à Bamoun. Devant la puissance de ceux-ci, les envahisseurs Tikars contournèrent ce royaume pour s’installer à Batoum (près de Bangangté). Or une autre guerre éclata entre les Bamoun
et les Batoum et SAH TOUDJEU s’exila à Bakong qui constituait à l’époque une sorte de zone démilitarisée ou zone tampon, à la suite de l’accord entre les Chefs Bazou, Bangoulap et Bagangté en vue de recueillir les réfugiés de cette guerre. Son village de refuge s’appelait Nze Ndip alors sur le territoire Bakong. Plus tard le Chef Bazou TCHAKOUNTE lança la guerre de 9 ans en vue de conquérir l’actuel Nord-Est de Bazou, et c’est ainsi que Nze Ndip tomba dans le Royaume Bazou. Dès lors, Mekep Feuh- Zeuh, le chef de l’armée Bazou fut installé à Nze Ndip comme Chef du village. SAH TOUDJEU qui avait préféré
la paix à la guerre, proposa son alliance au Chef d’occupation Mekep Feuh-Zeuh et devint ainsi le premier collaborateur de ce dernier, l’un de ses sûrs
conseillers et contribua ainsi à rallier tous les autochtones de ces terres conquises aux nouvels occupants Bazou.
Echos du Ndé: Quelles sont les générations des Rois qu’il a vus?
Sa Majesté: Il a connu les Rois Sougang KEMAJOU 1er, TCHAKOUNTE II, NANA, KEMAJOU, et l’actuel Roi TCHOUA KEMAJOU. Echos du Ndé: Qu’est ce qu’il mangeait et qu’est ce qui explique sa longévité?
Sa Majesté: Dans un village où il n’existe pas de structure médicale et où les gens ne mangent que ce qui leur tombe dans la main du fait de la pauvreté, nous ne pouvons voir dans une telle longévité que la générosité de la providence divine car, n’est ce pas Dieu qui nourrit les oiseaux du ciel qui ne sèment ni ne moissonnent?

                                                            Propos recueillis par Bernard Tchami

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